• Carnet de bord Gyrovague, le voyage invisible / Hiver


    Il a fallu seulement trois jours pour que l’hiver disparaisse, que la neige déserte la moindre parcelle, que les mouches s’activent à nouveau sur les crottes de moutons… Je suis désemparé devant le printemps arrivé trop tôt. Désœuvré, je scrute les sommets avec envie. 

    Des jours durant je regarde le berger dont j’occupe le pré, mon voisin en quelque sorte, sortir la merde de la bergerie. Et alors que, perclus d’ennui, je m’étais décidé à reprendre la route, celui-ci me rend visite et m’offre un petit pot de confiture et un savon en forme de trèfle à 4 feuilles. Je ne peux plus partir.

    Les jours suivants, je rends plusieurs visites à Stefanina et Ernesto, mes voisins.

    Ernesto est le fils de Stefanina, il est resté vivre et travaille avec sa mère, ils ont tous les deux un parlé très doux.

    Ce jour là Stefanina s’est apprêtée pour ma visite. Un foulard plus coloré que d’habitude noué sur les cheveux,  elle me présente dans la cuisine de nombreuses photos où l’on la voit au pâturage, avec ou sans mouton. Dans la cour au milieu des poules qui viennent chercher des caresses sous sa main nous retrouvons Ernesto assit à l’entrée de l’atelier sur une chaise pliante. Ernesto regarde le printemps reprendre la main sur l’hiver et patiente. Il ne s’angoisse pas, n’accélère rien, il regarde. Le chien blanc se joint à nous.

     

    Je passe la matinée avec un papillon. Le jeu consiste  à l’attraper. Je l’avais choisi estropié histoire de ne pas trop courir en vain. Epuisé je finis par le perdre dans une coulée de cailloux. Plus bas dans le chemin gît un lézard surpris par le froid.  

    Sur un carton trouvé au village j’ai écrit « Valise d’échantillons ». Chaque jour je quitte  la capsule munit de cette valise, à la recherche d’échantillon à glaner.

     

    Cette nuit je peste contre les chiens. Réveillé tout d’abord par quelque chose qui s’est pris dans le filin d’amarrage de la capsule, mon insomnie est entretenue un long moment par ce que j’imagine être une meute bigarrée aboyant en tous sens.

    Au matin Ernesto m’explique que les chiens étaient des loups et la chose prise dans le filin un chevreuil.

     

    « Avoir des couilles grosses comme ça ! »

    « Avoir les dents et pas le pain. »

    « Avoir la montagne et pas les dents. »

    « Avoir froid ? »

    « Avoir Faim ? »

    « Avoir un père qui à l’âge de mon fils traversait la montagne à pied pour livrer des informations sous la barbe de l’ennemi. »

    « Avoir des jeunes qui ne veulent plus prendre de risque. »

    « Avoir vécu en France, puis être revenu. »

    « Avoir des animaux qui passent d’un versant à l’autre. »

    « Apporter un café dans une tasse thermos. »

    « Apporter des biscuits et un gâteau de carnaval. »

    « Apporter des fruits et une bouteille de lait. »

     Ce sont les événements du week-end, le défilé des curieux et des bons.


    Les loups aiment-ils manger en regardant le paysage ? Ou préfèrent-ils se terrer à l’abri des regards absorbés par leur festin ? Hier on m’a dit qu’un cadavre de mouton trainait éparpillé par les loups de ce coté. Aujourd’hui je le cherche encore.

    Je rentre tard, la lune est déjà là. Demain se termine mon hivernage de printemps.

     


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    Carnet de bord Gyrovague, le voyage invisible / automne


    Les réparations

    Gilbert joue chaque jour au tiercé les mêmes numéros. Aujourd’hui est un jour où il n’a pas joué et les numéros sont tombés. C’est le jour des réparations du cylindre.

    Chaque coup de marteau pour redresser la taule froissée est une façon de se décharger de cette déveine.

     

    Le départ

    Roger est un homme angoissé et minutieux, l’un découlant sans doute de l’autre. Il sait me faire remarquer que le petit zigouigoui sur la carte me sera impraticable. Nous repoussons de quelques mètres le départ. A Jausier c’est encore l’été indien.

     

    A la Condamine Chatelard, on y meurt peu. Il n’y a qu’à voir la vétusté du cimetière et son aspect inhabité.  L’éternité semble s’être arrêté là.

    On pourrait imaginer une publicité vantant les mérites de ce village. Une grande pancarte indiquerait à l’entrer du Village « venez mourir à la Condamine ».

     

    L’Ubaye traversée, la nuit est tombée. De l’intérieur de la capsule, enfoui dans mon duvet, je scrute à la périphérie de mon ouïe la constellation des cloches d’un troupeau. Plus tard, beaucoup plus proche c’est un frottement puis un grognement que j’entends. Un sanglier prend son repas avec les noies de Cajou tombées lors du dîner. Ne bougeant pas, à l’écoute,  je m’assure mentalement d’avoir suffisamment amarré la capsule. 

     

    Le double flot de la rivière juxtaposé au  passage des camions sur la départementale donne à ce lieu une sonorité particulière. Je retrouve avec plaisir la douce chaleur enrobante du macadam de la D 900.

    Le soleil pointe à la cime des conifères alors que je peine dans une botte de virages en épingle.

    Au loin montent les camions,

    Au loin montent les avions,

    Et moi je roule.

     

    La nuit et la soif sont arrivées sur le même sentier. Dans l’obscurité du bois de petits yeux scintillants m’accompagnent dans mon effort et s’arrêtent lorsque je reprends mon souffle. Je dois continuer jusqu'à un point d’eau que je rêve proche.

     

    Enfin !

    La citerne.

    Viens que je te serre dans mes bras même si tu es trop grosse pour moi

    Viens que je t’embrasse sur ton robinet tout petit et chromé

    Viens me montrer ta belle couleur verte pour mieux te dissimuler

    Viens m’abreuver même si je me dis que peut être, au fond, tu as un petit oiseau crevé

    Qui me dégouline dans le ventre et le long du menton.


     Dans la nuit, une…Deux…Trois… Quatre voitures sont passées par ce chemin escarpé.

     

    Aujourd’hui c’est le jour de rien

    Même un rocher ne vaut pas un gravier

    Aujourd’hui c’est le jour de rien

    Vivement qu’on en finisse.

     

    Arrivé par le cimetière. On a collé derrière la montagne une feuille de papier rose en guise de ciel. Dans l’ombre du couchant un troupeau de mouton rentre à la bergerie guidé par une vieille femme à l’anorak du même rose.

    Saint Ours, c’est là que je retrouve Nicolas.

    A mon passage gronde le tonnerre qui surprend le promeneur.

    A mon passage « on a cru qu’une voiture tombait de la falaise ! »

    A mon passage la voiture des postes s’arrête plus bas.

    A mon passage  « salope, pute, fada, viens voir chérie ! » dit le restaurateur.

    A mon passage je lève deux chasseurs.

    A mon passage le désert des tartares, un plateau au sommet, plus haut un fort abandonné, une crevasse à passer, les nuages glissant vers la vallée, la nuit  qui monte ainsi que le vent glacé, les pléiades qui scintillent, la lune posée comme un œuf sur un rocher. Moi couché avec deux bombonnes de gaz pour espérer faire chauffer le petit déjeuner.

     

    Au matin  le réchaud s’essouffle vite avec le froid qu’il fait. Les gouttes d’eau qui tombent tout juste réchauffées gèlent aussitôt. La plaine retrouve  peu à peu ses couleurs mordorées. Les doigts engourdis, les cuisses contractées, les jambes mal assurées nous entamons la descente qui durera toute la journée.

    A Larche, village fantôme en cette saison, nous sommes reçus par une femme habillée en cycliste. Elle tient en sa main gauche une scie électrique. Derrière nous la capsule que j’ai dû trainer a laissé un large sillon, je m’excuse pour le dérangement, «bah, ça ne gênera pas les moutons pour brouter ! », me dit-elle.

     

    En avance de trois jours nous poussons jusqu'à Maison-Méane. De là Nicolas me propulse en voiture jusqu'à Bersezio.

    A Bersezio c’est la nuit. Dehors c’est l’Italie, à l’intérieur de la capsule c’est la Sibérie, la condensation au contact de la taule givre instantanément.

    Nicolas est reparti.

    Au matin c’est à l’arrière d’un hôtel que je me réveille.

    Des ouvriers s’affairent autour d’une clôture et me regardent m’extraire gauchement de la capsule. Sur la façade de l’hôtel fermé il est écrit : Welkom ! Bienvenue ! Wilkommen ! Un drapeau  de l’Europe figé dans la glace y est  fixé.

    Ils ont arrêté leur travail, incrédules devant ce spationaute sorti de nulle part.

    - Ou vas-tu comme ça ?

    - A Caraglio.

    - Pourquoi passes-tu par là, c’est difficile ? Pourquoi veux-tu monter alors que tu peux descendre ?  Prends la S.S 21.

    Je suis ce bon conseil d’un des ouvriers qui veillera régulièrement dans la journée à ce que je ne prenne pas un petit sentier, me doublant à bord de son pique-up.

     

    Arrivé devant la bouche du tunnel où s’engouffrent les camions, rien ne sert de me précipiter, il sera toujours temps de mourir plus tard. Je préfère couper par la vieille route.

    A Pontebernardo l’homme qui ma guidé toute la journée me salue et me souhaite bon vent.

    Il y a des matins où j’attends dans le duvet que l’air de la capsule soit égal à l’air du dehors ce qui me fait démarrer généralement tard.

     

    A mon passage un camionneur  est en conversation avec les Carabiniers : « un homme pousse un cylindre sur la route…. »

    A mon passage à Pietraporzio Un vieille femme me dit « bella capsoul, bella capsoul, moi j’étais taxi je connais Marseille : la Canebière, rue Paradis… Bella capsoul… ».

    A mon passage  un homme dit « demain il va pleuvoir »

    A mon passage un autre me prend en photo avec son téléphone portable « Si je ne te prends pas en photo, personne ne me croira quand je parlerais de toi ! »


     J’ai quitté la S.S 21 pour prendre la route militaire, je ne ferraillerais plus avec les camions. Un vent léger souffle.

    A mon passage, une fontaine pour me ravitailler.

    A mon passage, un sweet-shirt vert déchiré sur un bidon.

    A mon passage, une forêt claire de bouleaux et de hêtres.

    A mon passage, sous la capsule les châtaignes sortent de leurs bogues.

    A mon passage, les glands font « poc ».

    A mon passage, un homme que je ne voies pas crie.

    A mon passage,  au dessous la SS 21 est un ruban désert.

    A mon passage, une jeune femme dans sa voiture, les doigts maculés de bleu posées sur le volant, le chien à l’arrière. Elle dit «… Mon père ma appelé, il a eu peur avec les bêtes… »

    A mon passage, la voiture des carabiniers roule en contrebas.

    A mon passage, je double un rouleau compresseur.

    A mon passage, un homme âgé feint de ramasser des choses au sol pour me regarder.

    A mon passage,  un bout de plastique vert sort du chemin de terre emprunté.

    Je me sens guilleret.

     

    A Ruviera une carte à jouer tombée sur la route indique le chiffre 7.

    A Vinadio le jour décline, je m’arrête près de Ponte Golleta pour la nuit. Les carabiniers m’ont trouvé. L’un des deux émet l’hypothèse que cette capsule est un satellite terrestre. Avant de me quitter, nous faisons quelques clichés. Une fois partis c’est au tour de vachers qui ont laissé leurs bêtes pour la nuit dans le champ d’à côté, après la transhumance. « Si tu n’étais pas si loin, me dit l’éleveur, je t’offrirais un steack  gros comme ça » Ceci fait rire son employé. « Tu n’en aurais jamais mangé d’aussi bon ! » Je le crois volontiers en voyant les bêtes qui paissent tranquillement dans le pré.

     L’obscurité a recouvert les peupliers et la rivière. Je suis épuisé d’avoir tant parlé.

    Au matin la pluie n’est pas tombée. Un troupeau de mouton passe autour de la capsule. Un homme, que je distingue au travers de la vitre embuée de sa voiture, déjeune assis à l’arrière.

    A peine décollé c’est le père de l’éleveur qui vient me retrouver, un beau chapeau de feutre sur la tête, à la lèvre un caillot de sang. Il est heureux.

     Pas loin d’Aisone c’est madame le maire que je viens à croiser. Le temps me fait penser à la neige.


     A mon passage, une poule descend une marche.

    A mon passage, une plaque de marbre où il est écrit Sismondi Domenico 10-7-1931/ 28-6-1982 et des roses en plastique attachées à une pierre au milieu des feuilles d’automne.

     A mon passage, les bêtes s’affolent et passent la clôture.

    A mon passage, une voiture me double et s’arrête. Un couple en descend pour manger des noix sur une table en béton.

     J’avance dans un jour triste.


     Arrivé à Demonte, le soir, je m’arrête au cimetière où j’espère trouver un peu de calme. L’employée me dit : « ici tout le monde dort ! Alors si vous voulez vous y reposer je n’y voies pas d’inconvénient »

     Jusqu'à tard, rien. Dans mon cylindre sur la petite table j’ai posé une petite nappe en papier toilette sur laquelle je déguste un whiskey. Plus tard, le parvis du cimetière s’avère un lieu de rencontre pour les jeunes amoureux et les amants. Après leurs ébats amoureux dans leur voiture, ils sortent pour fumer une cigarette avant de repartir.

     

    Sous la douche, à la mairie de Demonte je regarde s’écouler par le siphon la poussière des pierres, les brisures d’insectes, les résidus de plumes...


  • Carnet de bord Gyrovague, le voyage invisible / été.

     

    Jeudi 14 juillet, au départ de la Javie.

    Il est 9h30. Voilà deux heures à peine que je propulse ma capsule. J’ai quitté une foule enthousiaste de trois spectateurs. Jean Paul le constructeur de cet engin et un sexagénaire avec son chien dans une auto fourgonnette qui passait par là. Il s’est arrêté pour voir de plus près ce drôle d’appareil. Le chien, sans-doute pour me porter chance ou trouvant que la capsule avait une odeur pas d’ici, en a profité pour la baptiser.

    Je quitte la capsule pour un repérage. Il me faut choisir entre suivre le cour d’eau plus bas qui me fera arriver au pied des roubines ou suivre le sentier. De retour, le cylindre s’est proprement volatilisé. Je retourne tout le paysage alentour à la recherche d’un éclat argenté, je fouille, je scrute en vain… Sans me résoudre à l’idée de devoir appeler le musée : « vous allez rire, j’ai perdu la capsule… » Quel con.

    Un lynx traverse la prairie.

    Arrive Annie. Elle marche, sur la tête un bob rafistolé par ses soins.

    Je lui explique que j’ai perdu mon cylindre de 1,70 m de diamètre tout en aluminium. Elle n’a pas l’air étonné. Elle regarde les environs : la prairie qui tapisse le versant encerclée de bosquets broussailleux et au fond un torrent asséché qui butte sur une falaise abrupte, surmontée d’une épaisse forêt …« Non les gens d’ici ne feraient pas ça »…

    La capsule est là, posée entre deux arbres un peu plus bas, un coup de vent l’a faite rouler.

    Annie reviendra demain.

    Vendredi 15

    A tant grimper, on se rapproche des paysages lunaires. Les seuls éléments qui en diffèrent sont les taches vertes que fait la végétation.

    C’est avec le bruit du cylindre frottant sur la pierre que nous arrivons à Boullard. Une petite armée d’enfants nous y escorte jusqu'à la fontaine. Cette troupe armée de bâtons rappelant par leur forme des armes à feu, porte des casques de tous ordres. A Boullard un drapeau aux couleurs bleu, blanc, vert est hissé sur un mât improvisé. Il en est descendu chaque soir au tintement de la cloche de la chapelle. A Boullard nous ne sommes pas dans une colonie sélénite mais en Patagonie Basse Alpine Estivale.

    Annie me quitte ici.

    Samedi 16

    Petit matin

    Je sais quand point le jour à la façon dont crépite le cylindre sous les ondées thermiques. Chaque matin, blotti dans mon duvet, je guette la montagne inversée qui devrait illuminer ma chambre noire. Invisible dans l’ombre, elle apparaît au fur et à mesure que l’aurore éclaircit.

    Après midi.

    Je croise une chienne, un border collie, et nous voici réunis. Je l’appelle Chien.

    Lorsque la pente se fait plus forte, notre manège est bien rodé : d’abord je monte les sacs suivi de Chien, arrivés au point haut je dépose le barda et elle reste là en bonne gardienne, tandis que je redescend seul pour hisser la capsule allégée.

    Le temps est doux, Chien tire la langue.

    En bonne compagnie, je ne pense plus à rien et pousse la capsule machinalement jusqu’au col de Mal d’Hiver.

    « Chien y aura-t-il de l’orage cette nuit ? »

    Dîner

    Nous dînons ensemble, un Aligot lyophilisé, un reste de thé, du fromage pour elle, de la pâte de coing pour moi, deux biscuits chacun.

    Avant la nuit j’entends gronder l’orage au loin.

    Pendant la nuit.

    La pluie tambourine sur la capsule, je laisse entrer Chien.

    Elle passe la nuit à remonter le long du duvet pour me fourrer le museau dans l’oreille.

     

    Rêve de l’homme de la forêt

    Je suis en train de chier dans la forêt. Je dis au chien de ne pas s’approcher et de ne surtout pas bouffer ma merde (je n’aimerais pas qu’il me lèche après).

    Je prends de la mousse pour recouvrir mes excréments quand j’entends grogner derrière moi.

    Cette mousse est la barbe de l’homme de la forêt. Il a les yeux rouges et un fusil.

    La crosse ressemble à un vieux morceau de bois auquel est fixé une pierre polie. Le canon est fait dans le tronc d’un églantier recouvert d’épines.


    Dimanche 17

    Sortis tout droit d’un magazine de vente par correspondance Ducatillon, deux géants des montagnes m’aident à passer un rocher tombé sur la voie.

    La journée a plutôt bien commencé avec un petit déjeuné au gîte de Flagustelle à Verdaches. La remise de Chien à son maître (qui s’est avéré être le maire de Verdaches) par une tierce personne croisée sur le chemin m’a un peu attristé mais aussi rassuré car mes vivres n’auraient pas survécu longtemps à sa voracité.

    Mais il a fallu deux coups de tonnerre pour que je sorte en hâte de la capsule me mettre à l’abri de la foudre, à la merci de la pluie. Deux coups de tonnerre de plus et mes vêtements sont transpercés de pluie. Au profit d’une accalmie, je reviens à la capsule. Celle-ci, comme par magie, s’est transformée en casserole remplie d’un bouillon qu’il ne me reste plus qu’à écoper avant de la faire rouler jusqu'à un mélèze où je tends un fil à linge. Sous une pluie plus fine je tente de faire sécher les vêtements trempés par l’orage.

    Plus tard

    Prostré dans le cylindre je scrute vainement le ciel en espérant une accalmie pour la nuit. Au cas où, j’ai repéré une cabane prête à s’effondrer en amont.

    Il faudra que je dise au maire de Verdaches que son chien aime l’art.

    Lundi 18

    Les deux géants des montagnes sont passés ce matin voir ce qu’il restait de ma personne. Souriants, l’air goguenard, ils semblaient heureux de me voir en vie.

    Le reste de la journée se passe sur des chemins à flan de coteaux ou dans des ornières souvent trop étroites pour accueillir la capsule et où il faut faire preuve de délicatesse. Tout ici n’est que gaieté champêtre jusqu'à la nuit tombée sur le plateau…. Seule épine à ce paradis, une écologiste extrémiste, qui a un certain savoir faire pour me donner un avant goût du purgatoire. Elle accompagne mes efforts en me reprochant l’extermination par écrasement de la faune arthropode.

    Mardi 19

    Un chien dans sa niche voilà la sensation que j’éprouve lorsque je m’endors dans la capsule stationnée près du restaurant « le Chalet » à la station du Grand Puy.

    Des voitures s’arrêtent, d’autres repartent, des rires, des voix « Marseille n’est plus ce qu’elle était, elle a abandonné tous les vrais marseillais ! », des claquements de porte.

    La journée était à l’orage avec des accalmies bordées de fraises et de framboises sauvages.

    Mercredi 20

    L’ascension jusqu'à la Cabane des mulets se fait sans difficulté dans le pickup du Berger croisé ce matin et qui occupe la bergerie tout l’été. Arrivé, c’est un « tricheur » en guise de bienvenue qui m’est envoyé par SMS via le portable du berger par le patron du restaurant le Chalet. On ne badine pas avec la montagne.

    Jeudi 21

    Repos

    Vendredi 22

    A quoi reconnaît-on un bon chemin d’un mauvais chemin ?

    Aux nombreuses bouses qui le jalonnent et que l’on ne manque pas d’écraser.

    Acclamée par une foule de vaches, d’ânes, de marmottes et de quelques touristes tous aussi enthousiastes les uns que les autres, la petite équipe composée de Annie, Christelle, Jean-Paul et Nicolas s’ébroue en direction du col de la Pierre.

    Le soir

    La capsule est amarrée en équilibre sur un surplomb rocheux.

    Départ de Christelle et Jean Paul.

    Samedi 23

    Arrivé de Fred et Aline.

    Voilà deux jours que nous montons, poussons, tirons.

    Un jour que nous mouflons, assurons, hissons mètre après mètre, caillou après caillou.

    Un jour pour faire cent mètres.

    Voilà deux jours qui n’en font qu’un.

    Voilà le col la Pierre.

    Trompons la monotonie d’un paysage sublime par l’ingestion d’un rhum arrangé.

    Départ de mes compagnons.

    Tu verras là-bas c’est ailleurs, c’est sauvage avait prévenu Jean-Pierre.

    La montagne a les couleurs du pelage du loup, l’air y est métallique, une pieuvre passe dans le ciel, attrape de ses tentacules une montagne.

    Emu et triste, je contemple les gigantesques chaos qui m’entourent et les petites tâches que font les os blanchis sur mon îlot de pelouse alpine.

    Dimanche 24

    C’est ici que c’est arrivé dans le vallon aigu d’un torrent au nom imprononçable. Alors qu’en esprit j’atteints déjà l’arrivée, elle me glisse des mains. Ca n’a pas fait plus de bruit qu’une petite pierre qui ricoche. De quinze mètres elle est tombée. En bas je la retrouve cabossée et éventrée par endroits mais elle roule encore.

    Je poursuis la descente vers le GR6.

    En bas, beaucoup plus bas, affamé, épuisé, j’ai croisé une colonie de vacances qui m’a aidé jusqu’au point final de mon voyage d’été.

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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